Le tabou autour du sexe féminin, on s’en parle ?
Pour une raison qui m’échappe, il est de coutume pour la presse française de dézinguer tout ce qui rencontre le succès. Dernière victime en date ? L’émission TV « Touche pas à mon poste » qui, à tort ou à raison, voit fleurir dans la presse écrite des flots de critiques acerbes. En tête des reproches fais au programme : la dite vulgarité d’Enora Malagré qu’on blâme notamment pour avoir prononcé à l’antenne les mots « te-cha » ou « shnek ». Si à priori il y a, en effet, plus distingué que de parler de vagin en pleine heure de grande écoute, qu’en-est-il de Jean-Michel Maire qui parle à longueur d’émission de sa « teub » ? La verge serait-elle plus classe que le con ?
L’abricot, le bonbon, la vulve, le minou, le gazon, le bigorneau, le bouton d’or, la friandise, le pompon, la foufoune, le buisson, la petite fleur, la didine, la chichoune, la moule, la louloute, le vagin, la chouchoune, la forêt, la nénette, la poucinette, l’huitre perlée, la figue, la pâquerette, le panier, la grotte, la fente, la tirelire, le hérisson… Peu importe le nom qu’on lui donne, à l’heure où les films pornos hardcore pullulent sur le net et où certains verraient bien Zahia, ex-prostituée super copine de Benzama et de Ribery, devenir une icône pop, pourquoi le sexe féminin reste-t-il un sujet tabou ?
En tout temps, les représentations artistiques du sexe masculin étaient monnaie courante. Qu’il s’agisse de peinture, de sculpture ou même de chanson populaire, on le retrouve partout sans aucune pudeur. Même l’architecture s’inspire largement de formes phalliques, notamment à Paris, qu’il s’agisse de l’obélisque de la Bastille (Vendôme ou Concorde marchent aussi) ou de la tour Eiffel.
Côté minou, L’Origine du monde de Gustave Courbet, créé en 1866, continue de défrayer la chronique. Entre l’affaire Facebook où le géant des réseaux sociaux s’est permis de censurer le compte d’un instituteur français ayant publié une reproduction de l’œuvre en 2011 et l’artiste Deborah de Robertis qui, en 2014, avait choqué les visiteurs du musée du quai d’Orsay en posant nue devant le tableau qui y est exposé.
Plus récemment, l’œuvre Dirty Corner d’Amish Kapoor exposée dans les jardins du château de Versailles. L’œuvre, surnommée par la presse « le vagin de la reine » a fait scandale l’été dernier au point d’être vandalisée.
Mais là où cette gynophobie dépasse l’entendement, c’est lorsqu’en 1977 les scientifiques de la station Pionneer ont voulu équiper l’installation d’une plaque détaillant l’anatomie humaine afin de présenter les habitants de la planète terre aux extra-terrestres qui pourraient passer par-là. Ces hommes de sciences ont pourtant délibérément omit de représenter les parties génitales du schéma féminin alors que celles de son homologue masculin y sont bel et bien. On croit rêver !
S’il était formellement interdit par l’église jusqu’à la renaissance de représenter un corps féminin, pourquoi la minette peine-t-elle toujours à sortir du bois ?
Le constat est sans appel : pourtant menue, chaude et soyeuse, la chatte fait peur. Si le mâle, maître du monde incontesté jusqu’aux années 70’s, est réputé pour être obsédé par le sexe, ne pourrait-on pas attendre de lui qu’il reproduise avec allégresse le sexe féminin qui l’inspire tant ? Ces messieurs seraient-ils plus obnubilés par leurs propres pénis que par nos frisettes ? Cela semble malheureusement évident.
Cela dit, les choses changent enfin. A l’instar d’Amish Kapoor (l’auteur de l’oeuvre surnommée le vagin de la reine à Versailles), la nouvelle scène d’artistes contemporain s’empare du dernier sujet tabou pour le faire s’envoler en éclat. Les footeux se souviendront sûrement du scandale qu’avait soulevé la découverte des courbes suggestives du stade d’Al-Wakrah érigé au Quatar pour accueillir la coupe du monde 2022. Dans un pays où l’émancipation de la femme est loin d’être une priorité, les images avaient de quoi amuser la galerie, il faut bien l’avouer.
Alors n’est-il pas finalement bon signe qu’une chroniqueuse vedette d’une émission télévisée à grosse audience ose dire les mots « te-cha » et « shnek » ? Le sexe féminin commencerait-il à devenir enfin une partie du corps humain comme une autre ? A en croire les conversations de la génération Z qui n’hésite pas à nommer comme il se doit l’objet du délit, c’est bel et bien le cas.
Assisterions-nous mine de rien à une révolution féministe : la désacralisation du corps féminin ? Il semblerait qu’en effet, les trentenaires et les générations qui suivent sont bien décidées à appeler une chatte une chatte.
C’est Colette Renard, l’interprète des « Nuits d’une demoiselle » qui serait contente si elle était toujours parmi nous !
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