On a tous des chansons qu’on attribue à tel ou tel moment de notre vie. Personnellement, depuis que je suis ado, je fais des compilations à chaque fois que je flashe sur un mec. J’ai commencé par me faire des cassettes mais je dois dire que c’est beaucoup plus simple depuis qu’il y a Deezer et Spotify. J’aime bien écouter ces playlists quand j’ai envie de me plonger dans l’énergie de cette personne. Quand je vous dis que sous mes airs de bossgirl à la personnalité bien trempée, je suis plutôt guimauve… Evidemment, chaque crush y a son nom de code. On ne sait jamais. On a dit cul-cul pas con-con.
Un dimanche matin, alors que je passe la mop dans mon salon en écoutant Spotify en mode aléatoire, j’entends les premières notes de « Gorilla » de Bruno Mars. La première fois que j’ai entendu cette chanson, je l’ai tout de suite attribué à la playlist que j’ai intitulée « Mr multi-orgasmes » mais pour des raisons de poil dans la main, nous l’appellerons ici par son initiale : F. Entendre cette chanson m’a fait instantanément penser à lui.
Je l’ai rencontré sur un site de dating il y a 11 ans. Lors de notre première date, il me plaisait physiquement mais il s’est comporté comme un con et je l’ai envoyé bouler. Il a essayé de me revoir plusieurs fois. En vain. Ce n’est que 2 ans après que je l’ai contacté. J’avais fait vœux d’abstinence jusqu’à ce que je rencontre un mec avec qui j’avais vraiment envie de construire une relation. Apparemment, je ne sui pas prête à être nonne parce que j’ai craqué au bout de 2 mois. J’avais besoin de sexe et je savais qu’il ne se ferait pas prier. Une heure après mon texto, j’étais servie à domicile et à ma grande surprise, ce fut l’un des meilleurs coups de ma vie. Nous avons donc remis ça par la suite. Souvent.
Ca vous est déjà arrivé d’adorer faire l’amour avec quelqu’un sans arriver à vous projeter dans une relation avec cette personne ? C’était exactement ce que je ressentais. Bien sûr, une fois, je me suis dit qu’il serait bien plus simple d’avoir une vraie relation avec lui (j’aurais un accès illimité à son lit) et qu’il me surprendrait peut-être comme il m’a surprise la première fois que nous avons couché ensemble. Je luis ai donc proposé qu’on apprenne à se connaître. Mais il ne m’a pas surprise et a refusé. Ce qui m’a surprise, en revanche, c’était que sa réponse m’ait un peu déçue. En même temps, ce n’est pas comme si tous mes plans cul avaient eu droit à leur bande son. Il est le seul. Ca aurait dû me mettre la puce à l’oreille.
Nous nous sommes vus ensuite pendant 6 mois, jusqu’à ce que je rencontre celui avec qui j’ai eu une relation pendant 7 ans.
La chanson m’enivre. Je me souviens de la première fois où on a fait l’amour, de mes joues empourprées quand le me suis vue dans le miroir de la salle de bain, après son départ, et de mon étonnement. Je n’aurais pas parier un euro sur lui, et pourtant. Je me souviens de l’avoir allumé quelques fois par SMS quand il dînait avec ses parents (sourire). Je me souviens de dimanches entier à binge watcher Game of thrones et à forniquer comme des lapins entre deux épisodes. Je me souviens d’avoir annulé un rencard, un soir, tellement j’étais épuisée à force de jouir toute la journée.
Après les doux souvenirs, me vient un sentiment de honte. La dernière fois que nous nous sommes vus, cela ne faisait même pas 2 mois que j’avais rompu avec mon ex. J’avais besoin de sexe et j’avais surtout besoin de me prouver que c’était fini, que j’existais sans lui, que j’étais à présent libre. Et comme souvent, F a répondu présent. Il a essayé de lancer la conversation, ce soir-là. Je l’ai rembarré, l’ai baisé et me suis barrée tout de suite après. Je suis restée en tout et pour tout 25 minutes chez lui, douche comprise. Et comme si ça ne suffisait pas, j’ai publié un article peu après dans lequel je me justifiais de mon attitude en disant que je m’étais comportée comme un mec et en le qualifiant au passage de connard notoire.
Je reçois alors une immense gifle en plein visage : je ne me suis pas comportée comme un mec, ce soir-là, mais comme un connard. Un sacré, gros, putain de connard ! Oui, c’est loin d’être un ange, oui, il est super casse-couilles quand il s’y met et, oui, il lui est souvent arrivé de se comporter comme un gros con mais la vérité c’est qu’il ne m’a jamais traité comme ça et que s’il s’était avisé de le faire, je l’aurais décapité sur place avant même qu’il n’atteigne la porte. Et, de toute manière, même s’il a souvent manqué de délicatesse, cela ne m’autorise pas à le traiter sciemment comme de la merde. Je n’ai plus 14 ans, putain !
La vérité, c’est qu’il a fait les frais de la colère que j’avais envers les hommes à ce moment-là. J’avais autant besoin de me sentir au-dessus d’eux et indépendante, que de faire l’amour. Et ça, c’était le contraire du féminisme. Le féminisme n’a jamais été de considérer les hommes comme inférieurs ou de les rabaisser pour se valoriser. J’ai été aussi sexiste que Donald Trump lorsqu’il dit qu’il peut attraper les femmes par la chatte. D’ailleurs, c’est exactement ce que j’ai fait : je l’ai littéralement pris par la bite, l’ai traité comme un objet, puis je l’ai jeté une fois que j’en ai eus fini avec lui.
Le féminisme, c’est se voir les uns les autres comme des égaux, se traiter avec bienveillance, chercher à se comprendre, équilibrer nos rapports, valoriser le consentement, écouter et accepter le ressenti de l’autre…
J’ai fait tout l’inverse parce que je savais qu’il serait trop fier pour dire quoi que ce soit. Même s’il s’était senti utilisé, il aurait préféré que je lui arrache une molaire à la clé anglaise plutôt que d’admettre que nous étions devenus suffisamment proches pour que je puisse le blesser. Au fil des années, il est indéniable que nous avions tissé un lien qui allait au-delà du plan cul. Je le savais et je l’ai ignoré. J’ai utilisé le fait qu’il n’est pas censé avoir d’affect pour justifier mon comportement abject. Je l’ai slutshamé. Un peu comme ces gens qui justifient un viol par le fait que la fille était court vêtue. Genre « ben quoi, ce n’est pas ce que tu veux ?! »
Bien sûr que non, ce n’est pas ce qu’il voulait. Il voulait passer un bon moment avec moi, pas se sentir insignifiant.
C’était juste une proie facile, une victime pas si consentante que ça.
Officiellement, notre relation n’était basée que sur le sexe d’un commun accord. Officieusement, il était plus d’accord que moi. Et peut-être que je lui faisais aussi payer ça. Sauf que non seulement, j’aurais pu refuser mais en plus j’étais bien contente qu’il soit là, ce soir-là. C’était hypocrite, lâche et puéril. Et surtout, ce n’était qu’une affaire d’égo. Un peu comme ces mecs qui traitent leur coup d’un soir de salope après s’être bien amusés avec elle. Au fond, ils leur reprochent de leur avoir apporter exactement ce dont ils avaient besoin, d’avoir été là pour eux, même si ce n’est que pour une nuit.
Soudain, une révélation : Et si les hommes qui méprisent les femmes avec qui ils n’ont que du casual sex exprimaient juste la frustration qu’une partie d’eux ressent de ne pas pouvoir être plus qu’un partenaire sexuel ? S’agit-il de machisme ou d’égo froissé ? Au fond, dans le fait de ne voir quelqu’un que pour faire du sexe avec, il y a une forme de rejet : on accepte le corps mais je refuse la personnalité, le contexte, le vécu. Or, peu importe ce qu’on se raconte, le corps, la personnalité et l’histoire d’une personne sont indissociables.
Et puis, n’est-ce pas moi qui, à l’origine, l’ai traité comme un livreur de pizza qui m’apportait mon repas à domicile ? On ne peut pas considérer les gens comme des objets et s’attendre à ce qu’ils nous baisent les pieds en nous remerciant d’avoir la bonté de daigner leur accorder un peu d’importance. Ca ne marche pas comme ça.
Il n’y a pas dire, j’ai été bête. Aussi bête que lui, un an auparavant, alors qu’il venait également de rompre avec sa copine de l’époque, que mon couple battait de l’aile et qu’il m’a dit qu’il n’accepterait de me voir que si j’acceptais de coucher avec lui en ayant mon mec au téléphone et en faisant en sorte qu’il ne sache pas ce que je faisais. Ah oui, je vous ai dit que F était loin d’être un ange. Peut-être avait-il, lui aussi, à ce moment-là, besoin de prendre sa revanche sur les femmes et sur mon ex. Il faut dire que j’avais arrêté de le voir pour me mettre en couple avec cet homme.
Pourtant, il me connait assez pour savoir que je n’aurais jamais accepté ce caprice. D’abord parce que je m’estime trop pour coucher avec quelqu’un qui veut coucher avec moi pour une autre raison que le plaisir de coucher avec moi, ensuite parce que je fais l’amour pour faire du bien, pas pour faire du mal à une tierce personne et certainement à celui avec qui je partage ma vie. Même si mon ex n’en aurait rien su, c’est une question de principe. C’est une chose d’être tentée de tromper son mec, c’en est une autre de le faire au nez et à la barbe de ce dernier. Et puis merde quoi ! C’est trop demander que d’avoir un mon vieux rapport sexuel où on n’a qu’à penser à son plaisir à et à celui de l’autre ?!
Mais c’est tout lui, ça. Il a tellement de choses à se prouver ! A quarante ans, le mec est mieux gaulé que les mec de 20 piges avec en plus le charme des mecs devenant plus matures, c’est un super coup, il a fait math sup, est ingénieur, pourrait séduire n’importe quelle fille, est impressionnant dans les sports extrêmes… Il a aussi une sacrée force de caractère. Quand il a un objectif, il fonce dans le tas, sans se poser de question. Il donne tout et si ça ne marche pas, oublie aussitôt. J’admire ça. Il donnerait des complexes à n’importe quel mec. Mais ça ne lui suffit pas. Rien ne suffit jamais à son besoin de se prouver qu’il est le meilleur. Une attitude qu’il paye souvent très cher alors que s’il y a bien quelqu’un qui devrait se sentir au- dessus de tout ça, c’est bien lui.
Il faut admettre qu’avoir envie de lui rabaisser son caquet est tentant mais moi je n’ai pas à faire ça. Je suis censée le voir avec bienveillance. Après tout, ce n’est rien de plus que ce que je lui demandais : de la bienveillance.
Parfois, quand je l’écoute me parler de sa vie, me dire qu’il sort avec de gamines de 20 ans ou quand je tombe sur son profil dans les sites de rencontres avec des photos tous pecs dehors, j’ai l’impression de regarder Pégase à un concours de dressage de chevaux. Il est là à faire le beau, tout pomponné, à s’appliquer pour faire un pas espagnol, puis à s’écrier « regardez, je sais aussi faire les pirouettes !» Et moi, dans mon gradin, j’ai envie de lui crier « mais mec, tu sais voler ! Qu’est ce que tu t’en tapes de gagner une médaille à la con de la part de mecs qui n’auront jamais un dixième de la grâce d’un cheval, tu sais voler ! Vole, vis ta vie, casse-toi de là ! »
J’ai beau lui dire qu’il n’a rien à prouver à personne, qu’il mérite bien mieux que les ennuis dans lesquels il se fourre, il ne peut pas s’en empêcher.
Et j’imagine que mon attitude de ce soir-là n’a pas arrangé les choses. Je ne m’en veux que davantage. Et bien que je ne l’aurais sans doute pas traité comme ça s’il ne m’avait pas fait ce chantage ridicule, je suis allée bien plus loin que lui.
On ne s’est jamais revus après ça. J’ai bien essayé de m’excuser un an après mais il a éludé. J’ai toujours pensé qu’il était juste passé à autre chose, que je ne lui plaisais plus. D’ailleurs, c’est ce qu’il m’a fait comprendre et c’était surement le cas. Mais c’était sans doute aussi une manière pour lui de me rendre la monnaie de ma pièce.
Jusqu’à aujourd’hui, je ne comprenais pas que c’était ce que j’avais fais ce soir-là qui avait précipité ce qui nous pendait au nez depuis un moment. Je me disais qu’il avait eu exactement ce qu’il voulait : du sexe sans prise de tête. Mais là, debout dans mon salon, mon balai mop à la main, je réalise que ce n’est pas parce qu’il ne se voyait pas en couple avec moi que je ne pouvais pas l’atteindre et qu’il a juste compris avant moi que si on en arrive à se faire plus de mal que de bien, c’est le signe qu’il est temps de mettre fin à cette relation décidément bien compliquée.
Décidément, je suis vraiment nulle en plan cul ! A ma décharge, ce n’est tellement pas naturel, un plan cul. Pendant un instant tu jouis en te plongeant dans le fond des yeux de quelqu’un d’autre et la minute d’après, tu n’es plus rien pour lui. C’est tellement factice. A moins d’être sociopathe, comment tu peux t’abandonner à quelqu’un sans développer une certaine tendresse. Je n’ai pas de bouton on/off, moi. Et quoi qu’il en dise, lui non plus.
Etre le plan cul d’un beau gosse quand tu es grosse, c’est un peu comme être l’intello de la classe et te taper en cachette le capitaine de l’équipe de foot du lycée. Personne n’assume la relation. Lui parce qu’il ne veut pas être vu avec une fille que les autres mecs disent imbaisable et toi parce que tu as honte d’avoir succombé aux charmes d’un imbécile de macho superficiel. Pourtant, si chacun faisait preuve d’honnêteté, de confiance en soi, de courage et d’humilité, on comprendrait sûrement rapidement que cette attirance a bel et bien sa raison d’être.
Au final, la seule chose que je regrette vraiment, c’est d’avoir mis autant de temps à comprendre qu’aussi sexy soit-il et qu’aussi bon soit le sexe avec lui, je suis beaucoup trop cool pour me contenter d’un plan cul. S’il y revenait, c’est bien que j’étais au moins aussi inspirante et talentueuse au lit que lui.
Avec le recul, être la nerd de service au lycée ne m’a jamais empêchée d’être populaire et désirée par de sacrés beaux mecs et ce sans avoir besoin d’être au bras de quelque mec que ce soit. J’étais juste plus intelligente que les ravissantes idiotes avec qui il fallait être. J’en suis éminemment fière. Et puis, ce n’est pas comme si je ne plaisais pas exactement comme je suis. A l’époque comme aujourd’hui.
Au fond, moi aussi, je suis passée à autre chose, à un niveau supérieur : je connais ma valeur.
J’accepte, j’assume, je vis, je ris, j’accueille, j’aime, je suis. Je m’aime donc je suis.
Sinon, entre nous, suis-je la seule à attribuer une playlist à chaque mec qui m’a marqué ? C’est quoi la vôtre ? Dites-moi tout ça en commentaire.
A la semaine prochaine, mes licornes.
A lot of insights into your personality. Ca confirme quand même furieux que tu n’as pas que du talent pour écrire, mais aussi que tu es quelqu’un avec un personnalité complexe, profonde, et que oui, les choses ne sont jamais simple. La frontière entre un plan cul et un sex friend est tres fine (aussi fine qu’un Manix Skyn Elite)… et que gérer la navigation entre zero implication sentimentale, complicité, amitié et amour nécessite plus que savoir regarder le vent et régler ses voiles. Moi ce que je retiens surtout c’est que tu ais le recul d’analyser, realiser, et comprendre. Maintenant comment lui l’a-t-il vécu? Je pense qu’on a tous un jour eu ce comportement (parce que ça arrive d’être super égoïste et ne penser qu’à soi de temps en temps quand on en a vraiment besoin). Par contre, la ou ça devient un vrai bonheur d’avoir le bon (la bonne) amie c’est le sympathy fuck. Exactement ce que tu as fait, mais avec le consentement de l’autre. « Hello. Ecoute, j’ai un gros besoin, la, juste maintenant, de sexe, pour me débarrasser de tel ou tel sentiment ou idée. T’es dispo? » et si la personne sait ce qu’elle fait, elle te repondra oui. Tu iras, tu baiseras (oui parce qu’à ce niveau ce sera ça) et tu partiras. Mais l’autre ne sera pas vexé, parce que cette partie la aussi était consensuelle. Et si tu ne l’utilises pas systématiquement comme ça… c’est un modèle qui marche bien. On peut être féministe et avoir besoin (oui, besoin, pas envie) de baiser pour les raisons qui sont les siennes. Et on peut le faire sans pour autant être une connasse. 🙂 Merci pour cette analyse… Et je pense que bien des mecs pourraient en tirer (heu…) de bons enseignements.
Merci Gilles. Alors pour te répondre officiellement il s’en tape mais il ne me parle plus. Et comme je le dis dans l’article, il a décidé de passer à autre chose psk il avait ses raisons mais surement aussi à cause de mon comportement.
Pour moi, le sumpathy fuck, le plan cul, la relation sexfriend, peu importe comment on l’appelle, ne peut marcher qu’une fois de temps en temps. Quand tu couches avec la même personne régulièrement pdt des mois, tu t’attaches automatiquement à elle. Et même si ca faisait longtemps qu’on ne se n’était pas vu. On n’a jms perdu le contact. On continuait à se sexter. C’était juste en pause. Ce qui m’agace c’est qu’on a tendance à condamner l’affect, à culpabiliser psk on a dit plan cul alors que c’est tout à fait naturel. C’est même hormonal.
Bref c’est hormonormal…
Bref, c’est “hormonormal”?
Et oui… c’est clair… ca ne fonctionne que une fois de temps en temps. Une relation uniquement « sex friend / plan cul » atteint vite ses limites.
Du coup c’est “hormonormal”… 🙂