Le Healing sex, nous le pratiquons tous plus ou moins sans nous en rendre compte mais, dernièrement, j’ai vraiment pris conscience que le sexe avait le pouvoir de guérir les blessures les plus profondes.

C’est arrivé de la manière la plus spontanée qui soit. Après une journée parisienne harassante, je me callais bien confortablement dans le train qui me ramenait à la maison pour scroller mon compte Insta. Dès la première image, je tombais sur un selfy de ce bellâtre avec lequel j’échange depuis des mois. La canicule était déjà difficile à gérer mais là, la température était montée d’un cran. Je commentais donc en disant : « t’abuses là, il fait déjà bien trop chaud. » Il n’en a pas fallu plus pour qu’il me parle en message privé. Je l’avais un peu cherché. Une fois rentrée chez moi, s’en est suivi une soirée à sexter. Au bout d’un certain temps à se chauffer, il me pose la question fatidique « tu veux que je t’envoie une photo de l’effet que me fais ? » Et bien que j’ai refusé pendant des mois, cette fois-ci, j’ai spontanément dit oui.
Le temps pendant lequel il s’exécutait m’a paru une éternité. Des pensées se bousculait dans ma tête. Vous le savez, depuis quelques années, la dick pic est un no go pour moi. On peut dire que j’ai été traumatisée par le nombre de photos non sollicitées que j’ai reçues. J’ai longtemps ressenti de la colère envers ces mecs tout fiers de montrer leur membre sans se demander si la personne à qui ils l’envoient avait envie de le voir. J’avais peur que ça réveille cette sensation de n’être qu’un objet sexuel pour les hommes, que ça casse quelque chose entre nous. Et puis, l’image est arrivée. J’ai trouvé sa queue belle, appétissante. Et pour la première fois depuis des années, voir la photo d’un pénis m’a excitée. Parce que c’était lui. Parce que le fait qu’il me l’envoie ne signifiait pas qu’il se fiche de ce que je veux, bien au contraire puisqu’il avait attendu que je sois prête pour le faire.
Il faut dire qu’il y 3 ans, j’avais fait un tri drastique dans mes prétendants. Tous les mecs qui m’en avait envoyé sans me demander mon avis ou insistaient pour m’envoyer une photo de leur bite, ceux qui tenaient à avoir des échanges uniquement basés sur le sexe, poubelle ! J’avais peur au début de couper les ponts avec tous les mecs que je connaissais mais ce tri m’a fait tellement de bien ! Ça faisait 3 ans que je n’avais pas vu de dick pic et je ne m’en portais que mieux. Apprécier recevoir ce genre de contenus, ça ne m’était pas arrivée depuis… depuis… depuis… Oh putain, c’est la première fois. La première fois de ma vie que je n’ai pas l’impression qu’on me sperme avec mépris à la figure en m’envoyant ça. Wow !
Je ne parlerai pas de sa taille ou de sa forme car ce n’est pas le sujet. Le sujet est que cette fois-là, je n’ai pas perçu cet envoi comme une sorte d’agression. Derrière cette photo, il n’y avait que du plaisir, de la bienveillance, voire de la douceur. Car il y a autre chose qui m’a touché : l’argument que j’avais utilisé pour refuser qu’il m’envoie une dick pic est que je préférais découvrir son sexe le jour où on se verra et qu’on fera l’amour (relation longue distance). Je n’avais jamais eu à le lui redire. Il n’avait jamais insisté depuis et quand j’ai accepté, il a cherché à prendre un angle qui ne me laissait pas tout voir, de sorte à ce que j’ai toujours la surprise de la voir le jour où on se verra. J’ai trouvé ça attentionné : on joue en attendant mais je n’oublie pas tes désirs. Nous nous sommes donc ensuite donnés du plaisir à distance dans l’écoute l’un de l’autre. C’était si valorisant et, surtout, excitant.

Le lendemain, j’ai pris conscience que la considération qu’il a eue pour moi, le respect de mon consentement et sa délicatesse ont guéri quelque chose en moi. Ça y est, je n’étais plus un objet au regard d’un homme. J’étais une vraie personne qu’il respectait, qu’il écoutait et le fait de me désirer n’était pas un prétexte pour en oublier mes envies, mes besoins, mes limites. Merde, qu’est-ce que ça fait du bien ! Quel bonbon pour l’âme !
J’ai réalisé aussi qu’il y a mille et une manières de se sentir sécurisée par un homme. Il y a la sécurité physique, la sécurité matérielle, la sécurité caractérielle (le mec posé qui calme tes incertitudes), la sécurité émotionnelle (le mec qui sait de montrer à quel point tu comptes pour lui et qu’il n’ira nulle part) et je découvrais la sécurité sexuelle : se sentir considérée, écoutée et que le fait de dire non ne soit pas un drame. Car il n’a pas juste attendu que je dise oui, il n’a jamais insisté. Ce n’est que des mois et des mois après qu’il m’a proposé de me la montrer de sorte à ce que je ne vois pas tout. Et c’était suffisant, aussi bien pour lui que pour moi.
Et vous me direz « oui c’est la base ». Mais réfléchissez-y bien. N’est-il jamais arrivé qu’un homme (ou que vous-même vous le fassiez si vous êtes un homme) insiste pour faire quelque chose que vous ne voulez pas faire, vous force la main ou même se désintéresse de vous tant que vous ne cédez pas, vous fasse du boudin ? Avouez que ces pratiques totalement toxiques sont tellement répandues qu’on en fini par croire que c’est normal, que les mecs sont comme ça. J’avais même commencé à faire mon deuil des relations amoureuses, préférant rester libre et maîtresse de ma sexualité, même si ça devait exclure un partenaire. Après tout, qui a besoin d’un mec pour jouir quand on a Coco de Puissante qui ne nous rabaisse ou ne nous déçoit jamais ?
Ce soir-là, il m’a redonné l’espoir. Oui, les hommes qui ont la quarantaine et qui ont de la sollicitude pour leurs partenaires, ça existe encore. Oui, on peut faire du sexe sans la moindre histoire de domination ou de soumission. Oui, un homme peut prendre son pied en te traitant comme sont égal. Non, ça n’altère pas de tout son plaisir de te demander ton avis, de le respecter, bien au contraire. Non, la masculinité toxique n’est pas naturelle, elle se construit et se déconstruit, encore faut-il être conscient des dégâts qu’elle fait et chercher à la combattre en soi.
Alors bien sûr, mon amant n’est pas parfait. Il fait des erreurs, il se remet en question, apprend toujours mais, la plupart du temps, il a une de ces classes ! Et on ne peut que lui reconnaître d’avoir, sans même le faire exprès, réussi à guérir une blessure profonde que de trop nombreux hommes ont commencé à m’infligé dès mes 11 ans : celle de me faire sentir comme un objet sexuel pour eux. Agressions sexuelles, insultes, manipulation… les hommes ont souvent usé de créativité (ou pas vraiment, en fait, car c’est finalement tellement banal) pour obtenir de moi ce que je ne souhaitais pas leur donner. Mais j’avais oublié une chose : si le sexe peut détruire, il peut aussi guérir.

Marvin gaye en chantait déjà le mérite avec “Sexual healing” car, on n’a pas attendu la parution de « Healing sex : a mind-body approach to healing sexual trauma » de Staci Haines pour tous le pratiquer plus ou moins consciemment. Le healing sex désigne le fait de servir du sexe pour aller mieux que ce soit physiquement mais aussi psychologiquement.
Pour ce qui est de l’approche physique, j’ai personnellement pris l’habitude de soigner mes migraines ophtalmiques, dues à un mauvais diagnostique, en me masturbant. Et c’est tellement efficace que j’ai mis 40 ans à consulter pour découvrir que je n’avais jamais souffert de myopie mais d’astigmatie, ce qui expliquait pourquoi mes lunettes (corrigeant la myopie) ne m’aidaient pas. Les douleurs de règles aussi peuvent passer avec un petit (ou gros, chacun sa préférence) coup de vibro. Bon, après, il faut avoir des lingettes sous la main, ou se doucher. Mais bon, on n’a rien sans rien.
Mais le pouvoir de healging sex peut aller bien plus loin. Il peut être un anti douleur redoutable. En effet, certaines doulas le conseillent à leurs patientes souhaitant accoucher naturellement sans souffrir le martyr. On savait que le sexe, voire juste les baisers langoureux avaient le pouvoir de déclencher un accouchement (non, ce n’est pas qu’une fable mise en scène dans Friends). Il est aujourd’hui avéré que se masturber au moment de l’accouchement calme sensiblement les contractions. Et bien que cela permettrait de faire de sacrées économies pour la Sécurité Sociale, la France n’est clairement pas prête à procurer un Womanizer aux femmes sur le point d’accoucher. Dans nos cultures puritaines, on a trop tendance à oublier que la maternité est étroitement liée à la sexualité et que l’une peut guérir, soutenir, renforcer, améliorer l’autre. Pourtant, quelle magnifique façon d’achever une grossesse : par le même moyen par lequel elle a commencé.
En ce qui concerne la guérison psychologique, c’est pareil : on l’a tous fait, plus ou moins consciemment. Que ce soit pour se consoler d’une journée de merde, d’un chagrin d’amour ou d’un deuil, on a tous, un jour ou l’autre, trouvé le réconfort dans les bras d’un amant ou d’une maîtresse. Et on aurait tort de s’en priver.
Mais j’avais oublié qu’il peut aussi soigner des blessures bien plus profondes et douloureuses. Ces blessures que bien trop souvent, on trimballe depuis des années, voire parfois, depuis l’enfance.

Dans la mesure où je me doute que je suis loin d’être la seule à qui c’est arrivé, j’ai fait le tour de mes copines qui n’ont pas peur de parler de sexe pour leur demander la fois où le healing sex a fait des miracles. Sans surprise, elles m’ont toutes parlé de la fois où le sexe a réparé quelque chose de brisé en elles car ce sont les expériences les plus mémorable : il y a toujours un avant et un après.
Ma meilleure amie Brunaëlle m’a parlé d’une époque très lointaine : « J’avais 17 ans et je sortais d’une relation avec un mec qui n’osait pas s’afficher avec moi parce que j’étais noire. Un garçon, plus âgé que moi mais canonissime qui me tournait autour est venu me chercher à la sortie de mon stage. On est sortis ensemble et on a conclu la soirée par du sexe oral. Ça a l’air un peu glauque comme ça mais après cette expérience avec mon ex, je me croyais moche, trop noire pour plaire. Avoir cette histoire avec cette bombe sexuelle a reboosté ma confiance en moi. Il me trouvait belle et sexy. Je le voyais dans ses yeux, son attitude, ses mots, sa fougue. J’avais juste besoin de ça à ce moment-là de ma vie. »
Olivia m’a confié « J’ai vécu un viol à 13 ans et j’ai eu une relation avec un mec ultra toxique il y a 5 ans. Je pensais que les hommes et moi c’était fini, que les relations amoureuses bienveillantes, respectueuses et égalitaire étaient impossible avec les hommes de notre génération. Et puis, j’ai revu un ex, dernièrement. Je n’étais pas du tout partie pour remettre le couvert mais nous avons passé une bonne soirée. Nous avons beaucoup discuté, il m’a préparé une bonne salade et de fil en aiguille, la soirée s’est terminée dans ma chambre. Il était doux, prévenant, bienveillant, tolérant. C’était vraiment agréable. Je pensais que j’aimais le sexe brutal mais je comprends depuis que je m’y suis juste habituée. Je me sens réparé depuis. J’envisage l’idée que tous les mecs ne pensent pas que le couple hétéro est un rapport de force. »
Louisa, quant à elle, m’a dit « Ma mère a eu des problèmes de santé et j’avais besoin d’en parler. J’avais besoin qu’on m’écoute comme on caresse un animal blessé. Je vois Michael depuis quelques années et nous n’arrivons à définir notre relation. Il est très doux, très câlin. Il a une écoute très active et va retenir tout ce que je lui dis. Il a été un super soutien moral. Il a lui aussi eu un parent malade. Il savait par quoi je passais. Il me faisait un massage très long pendant lequel je lui parlais. Ça faisait sas de décompression et quand j’étais prête je lui disais “bon, faisons des câlins, maintenant.” C’était à la fois très, très complice, fougueux et doux. J’ai eu comme un poids en moins après. Ca m’a fait beaucoup de bien de me rendre compte que j’avais à faire à un être humain qui n’ne voulaient pas qu’à mon cul.»

Evidemment, j’ai également demandé à des hommes leurs expériences avec le healing sex. Et je dois dire que je suis tombée sur un os. Ça ne leur parlait pas. Du coup, je me suis dit que si ça ne parlait pas aux mecs hétéros, peut-être que les hommes gays seraient plus loquaces. Pas plus de succès. Pourtant je ne crois pas que ce soit une question de pudeur. Je pense vraiment que quand ça leur arrive, si ça leur arrive, ce n’est pas conscient. Peut-être est-ce parce que les hommes sont souvent de taire leurs émotions et qu’à force, ils n’en sont souvent même plus conscients ou peut-être que cette idée de guérir un corps ou un cœur cassé est un réflexe finalement beaucoup plus attribué à l’archétype féminin. Toujours est-il que, dans mon entourage plus ou moins proche, aucun homme n’a pu me donner de témoignage et je ne me voyais pas poser la question à un parfait inconnu tant le sujet est intime.
Je ne m’aventurerais pas à prétendre que le sexe est plus une expérience spirituelle pour les femmes que pour les hommes car je ne le pense pas. Je crois sincèrement que ça dépend des individus. En revanche, selon mes croyances, le fait d’avoir le pouvoir de donner la vie fait des femme un pont, une passerelle, entre le monde des vivants et le monde des morts et peut-être que ce reflexe inconscient de se servir du sexe pour panser ses plaies est un vestige des femmes sauvages que nous sommes. Peut-être (en fait, j’en suis persuadée, je dis peut-être pour la forme) qu’en chaque femme réside une guérisseuse que le commun des mortels appelle « sorcière ». Peut-être que le Healing sex n’est rien d’autre qu’un des nombreux moyens d’aller mieux qu’a la race humaine à sa disposition et qu’instinctivement les femmes l’utilisent.
Il me vient une dernière hypothèse qui va vite nous faire retomber de notre monde de Bisounours en barbe à papa dans laquelle je viens de nous plonger : si on y réfléchit, le point commun entre tous les témoignages de mes copines et moi, c’est que que le moment qu’on décrit toutes les 4 a guéri est un blessure infligée par d’autres hommes. Même Louisa dont la mère était malade conclue en disant que ce qui l’a émue c’est qu’on s’intéressait à elle pour elle et pas pour son cul, qu’on prenait soin d’elle. Et si les hommes utilisaient rarement le Healing sex parce qu’ils sont rarement réduits au rôle d’objet sexuel ? Moi qui pensais écrire un article sur ces hommes qui nous font du bien, je suis dans l’obligation de constater que pour qu’ils aient quelque chose à guérir, il a fallu que d’autres hommes blessent avant.
Parce que, quand on y réfléchit, c’est fou d’écrire un article sur l’effet curatif d’un rapport sexuel avec quelqu’un qui nous a juste respectée et valorisée. C’est dire si ce reflexe systémique qu’ont la plupart des hommes de voir les femmes comme des objets sexuels nous bousille, comme je l’expliquais dans mon article sur le consentement. On en est quand même à se sentir renaître parce qu’un mec nous a regardé comme une vraie personne et non plus comme un objet. C’est grave !

Quoi qu’il en soit, je suis bien contente que les actions de quelques abrutis n’aient pas définitivement gâché le fait d’explorer ma sexualité à travers des écrans interposés. Comme quoi, avec de la douceur, de la délicatesse et l’écoute et de la bienveillance, on peut guérir les blessures les plus ancrées sans même s’en rendre compte. Comme disaient les beetles « All you need is love ».
Je vais donc prendre le temps des rendre hommage à tous ces hommes qui prennent la peine de panser les plaies que d’autres nous ont infligées et qui s’en prennent au passage des vertes est des pas mûres pour que nous baissions la garde, tant nous avons eu à nous blinder pour survivre. Big up, les gars. Et merci à toi, beau gosse (oui je te parle à toi, là, qui as su me montrer ta bite sans me faire mal). Tu as la classe, quand tu t’y mets.
Et toi, m’a licorne ou mon centaure, ça t’est arrivé ? Raconte-nous tout.
J’adore cette article et oui le sexe peut guérir certaines plaies et putain ça fait du bien .